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Gérard Gachet, un dessinateur de la contre-culture ? | Thérèse Willer





Toiles de fond, émission de Ronald Saint Sauveur (FR3 Alsace)





Emission réalisée par Gérard Brillanti en 1970

L'interview de Gérard Gachet

 

Magazine ZOOM : numéro de mars/avril 1970

propos recueillis par Eric Chapmann
 gerard gachet 1970
gerad gachet dessinateurZOOM : Comment vous situez-vous graphiquement ?
GACHET : Disons le réalisme fantastique pour simplifier les choses. En tout cas, c’est ce qui me touche le plus, personnellement.

ZOOM : Pourquoi le dessin et pas la peinture ?
GACHET : Je n’ai pas un tempérament de peintre. Je travaille surtout dans le domaine de la composition, ou éventuellement les effets de matière, mais j’ai peu de goût pour la couleur, je me sens nettement plus à l’aise dans le dessin.

ZOOM : Où avez-vous publié ?
GACHET : Surtout dans les Anthologies Planète et puis dans quelques revues à droite et à gauche, je fais de temps en temps des illustrations pour les revues régionales.

ZOOM : Vous avez exposé également.
GACHET : Une dizaine d’expo à Strasbourg et deux en Allemagne. Cela fait douze ou treize ans que j’habite Strasbourg et j’ai pratiquement exposé chaque année au moins une fois. J’ai habité à Paris pendant un certain temps et je me suis fixé à Strasbourg. Avant, j’étais un peu, comment dirais-je, itinérant et puis je me suis installé. Ma foi, je crois que la vie y est très sympatique quand on arrive à s’y acclimater mais il y a le problème du dialecte. L’Alsace, c’est un peu la Suisse française.

ZOOM : Alors pourquoi avez-vous choisi Strasbourg ?
GACHET : Difficile à dire. Je connais à peu près toutes les villes en France et je dois dire que Strasbourg est très jolie. Evidemment, dans un premier temps il faut faire un petit effort pour s’intégrer, j’ai appris l’alsacien et je crois que maintenant cela commence à venir.

ZOOM : Il y a des rapports entre votre production et le « climat » ?
GACHET : Je crois que ce que je fais est assez apparenté au fantastique et au romantisme allemand. Cela se rapproche assez de l’école de Vienne et de choses comme cela. Je pense par exemple à Fuchs. Je suis très sensibilisé par ce romantisme allemand, cet expressionnisme, cette sensibilité morbide, cette espèce d’écriture, c’est difficile à définir en peu de mots, ce romantisme allemand qui est de tous les temps et qu’on retrouve d’ailleurs tout à fait aussi bien dans l’esprit des gens que dans leur façon de sentir l’art qui est tout à fait particulière et évidente. Il y a tout ce qui est forêt, etc… Par exemple, je prétends être un excellent pêcheur, et le côté recherche de la nature est assez allemand. Je ne suis pas un citadin. Même à Paris, je sais que je serais complètement noyé. Alors que je me sens tout à fait à l’aise dans cette forme de campagne, les sapins, le Rhin, etc… et toutes ces légendes, qui je dois le dire, parlent à l’esprit et à l’émotion.

ZOOM : Et pour le travail proprement dit, cela ne vous pose pas de problèmes ?
GACHET : Si, bien sûr, il n’est bon artiste que de Paris. C’est le moyen pour obtenir la cote nationale. Moi je me suis mis un peu sur la touche, volontairement.

ZOOM : D’habitude les peintres, les dessinateur, appelons cela des artiste si vous le voulez bien, se font un nom à Paris et ensuite s’expatrient pour travailler tranquillement.
GACHET ; Je crois qu’avant de se faire un nom à Paris, il faut d’abord posséder technique et idéees, dans un premier temps, et ensuite arriver à Paris Avec au moins quelque chose à montrer. J’essaie d’être le plus humble possible mais c’est quelque- fois difficile, mais enfin, on est toujours assez loin du compte. D’ailleurs, on ne sait jamais où on va, ces recherches sont faites un peu au fil du papier ; on progresse d’une façon insensible. Je vais quand même essayer de monter à Paris. J’ai pris quelques contacts. Je suis passé voir à la galerie Trois plus Trois. Ils avaient l’air intéressés par ce que je fais. Il voudraient que je leur présente des originaux. Ce sont des jalons à assez longue échéance. J’ai assez bien vendu à la dernière exposition que j’ai faite entre les mois de novembre et décembre à Strasbourg et je n’ai plus grand chose à montrer. Il faudrait que je me remette à travailler.

 



gerad gachet dessinateur stylo ZOOM : Vous avez quand même, au début, voulu montrer vos dessins, les faire connaître ?
GACHET : La première chose que j’ai faite, j’ai été chez Planète, j’ai rencontré Chapelot tout à fait par hasard. Entre deux portes. Je lui ai montré des photos de ce que je faisais et il m’a dit que dans le premier numéro de Planète j’aurais une illustration. Je n’y croyais pas beaucoup à l’époque et cela fait maintenant trois ans que je travaille pour eux !

ZOOM : Quels sont les travaux que vous acceptez et ceux que vous refusez ?
GACHET : Il faut d’abord que ce soient des illustrations pour un texte fantastique. Ce qui importe, c’est que j’essaie de conserver mon style et de donner en même temps au public et à mes clients ce qu’ils attendent.

ZOOM : Avez -vous une technique particulière de travail ?
GACHET : J’ai beaucoup travaillé au stylo à bille et puis j’ai eu des problèmes parce que le stylo avait tendance à s’effacer, à passer à la lumière, puis j’ai réussi à le fixer avec un vernis et maintenant, ça a l’air de tenir assez bien.

ZOOM : Vous continuez à travailler au stylo à bille ?
GACHET : Je trouve que cette technique est plus intéressante que la plume. Cela me permet d’avoir des fondus, des surfaces, des valeurs, que la plume jusqu’à présent ne me per-mettait pas de faire. Je trouve que c’est un peu sec et un peu trait. Cela ne permet pas d’avoir des dégradés en surface, que je peux obtenir au stylo à bille.


gerad gachet fusain

ZOOM : Et en ce qui concerne la composition ?
GACHET : C’est très composé en général, très préparé. J’ai une idée ou un symbole abstrait. En ce moment par exemple, je suis assez sensibilisé par la psychologie de l’expression, ainsi que les symboles et choses de ce genre. Par exemple, je pars d’un symbole, d’une idée tout à fait abstraite.

ZOOM : Il y a une certaine préoccupation érotique dans votre œuvre qui n’est pas particulièrement abstraite.
GACHET : Je crois que c’est une période. J’ai trente cinq ans. Il y a deux forme d’érotisme. Il y a l’érotisme du garçon de dix-huit ans qui dure jusqu’à peu près vingt-quatre/vingt-cinq ans, qui est un érotisme un peu systématique et ensuite, enfin, le véritable érotisme. C’est la différence qu’il y a entre le gourmand et le gourmet. Il vaut mieux être un peu assis dans l’existence pour véritablement percevoir l’éro-tisme. C’est une chose très intellectuelle. Il faut être un peu fétichiste. Il faut que cela passe par une sorte d’abstraction, non, ce n’est peut être pas le mot, par une sorte de synthétisation du désir pour le retransformer en symbole. Je ne fais pas de l’érotisme gratuit. Je crois que c’est un moyen pour moi d’arriver à me signifier dans le dessin et d’engager une correspondance ou une conversation avec les lecteurs ou ceux qui regardent mes dessins.

ZOOM : Quels sont les reproches qui vous ont été adressés, en général ?
GACHET : Assez souvent on m’a reproché d’être un peu trop littéraire. Ou romantique. Je reconnais bien volontiers que j’ai tendance à charger mes dessins de symboles. Je prends très grand soin de la composition, c’est vraiment une composition à la règle et au compas. Une fois que la composition est solide, je me laisse aller et me libère, mais auparavant je veux être sûr de l’équilibre ou du déséquilibre voulu qui devra traduire d’une façon abstraite l’esprit du dessin. Je surajoute des intentions plus claires et plus évidentes par la suite.
 
ZOOM : Que pensez-vous de Bertrand ?
GACHET : Je trouve que sur le plan technique c’est très fort, c’est évident. D’ailleurs dans le premier numéro de Zoom il se présentait comme un anti-intellectuel ce que je ne crois pas, en fait. Je veux bien croire qu’il s’en défende mais je crois surtout que dans le choix de ses sujets, dans la façon dont il illustre ses fantasmes, il est très intellectuel. Mais il y a des choses qui sont possibles en peinture, comme l’impact visuel offert par la couleur, qui n’existent pas dans le dessin où on est obligé de tricher. Mais quand je dis qu’un dessin peut avoir une base intellectuelle, il ne faut pas que cela devienne lourd et démonstratif. Au contraire, mes dessins je les imagine comme des auberges espagnoles, chacun y amène ce qu’il veut et ce sont des points de départ. On propose un certain nombre d’éventualités mais dans les limites d’une fourchette qui est voulue. Pour en revenir à Bertrand. Je crois que nous sommes tous les deux compris dans un cou-rant que l’on appelle le réalisme fantastique ou la nouvelle réalité; des choses de ce genre. Mais Bertrand s’intéresse exclusivement à la femme. C’est un choix qui me paraît déterminé. Et j’ai peur qu’il ne soit peut-être un peu limité. Je n’ai pas vu suffisamment de choses de lui, je n’ai vu que des femmes et ma foi, elles sont fort bien dessinées. Ce garçon a un talent fou et ce qui m’inquiète c’est que c’est un garçon jeune et qu’il est enfermé dans un système. Je souhaite peut-être qu’il varie ses sources d’inspiration pour véritablement donner son maximum. Je ne dis pas que la femme ne m’intéresse pas, graphiquement, au contraire mais ce n’est pas exclusif. Je ne vois pas pourquoi je passerais sous silence cette possibilité d’expression mais je ne tiens pas non plus à être catalogué comme dessinateur érotique. Je m’en voudrais beaucoup si j’entrais dans cette catégorie là.


interview zoom

ZOMM : Et le fantastique, que représente-t-il pour vous ?
GACHET : Le fantastique est quelque chose qui dérange et qui apparaît comme relativement dangereux. Par exemple, j’adore Max Ernst quand il se mêle d’être vraiment fantastique et non pas surréalisant comme il l’est quelquefois. Leonor Fini surtout ce qu ‘elle faisait il y a quelques années. Aujourd’hui j’aime moins ses couleurs un peu froissées qui me paraissent être plus démonstratives que véritablement senties. Peut-être qu’elle essaie de se renouveler, mais je crois que c’est dans le réalisme fantastique, dans cette peinture, que le climat est le plus fort.

ZOOM : Vous pouvez citer d'autres noms ?
GACHET: Beardsley évidemment, le style nouille est l’archétype de l'art fantastique, à mon avis, parce qu'il en a le graphisme et l'esprit. Par contre, il y a des gens que je ne considére pas du tout comme fantastiques. Je pense à Bosch par exemple, qui est un besogneux adamiste. Il n'a fait que transcrire, à mon avis, par une symbolique un peu classée et systématique, la doctrine adamiste qui ne me paraît pas tout à fait fantastique. Il y a le fantastique profond et puis le fantastique hasardeux au second degré.

ZOOM : Qu'est-ce que le fantastique hasardeux ?
GACHET: Je pense par exemple ä certains dessins alchimiques qui ne sont, je dirais, fantastiques que dans la mesure où on les comprend. On pense qu'il y a quelque chose, on s'en doute, on croit deviner et quand on ne connaît pas le message, c'est fantastique. Enfin, c'est une forme de fantastique qui n'est pas tout-à-fait satisfaisante

ZOOM : Nous parlions de vos symboles et de vos angoisses, tout-à-l'heure.
GACHET : : Pas de mes angoisses, de mes fantasmes, c'est plus joli. Et puis mes symboles sont faciles à décoder, surtout dans le domaine de l'illustration.

 


ZOOM : L'illustration est votre activité préférée ?
GACHET : Le rêve serait de faire uniquement des illustrations de textes fantastiques. Des textes de Mandiargues par exemple.

ZOOM : Vous avez des auto-critiques à faire sur vos dessins ?
GACHET : Pour l'instant, je suis bloqué. Et puis après il faut changer de technique, varier. Chaque fois que je sens que je vais être bloqué par une technique, j'essaie justement d'utiliser une autre matière, un autre médium, qui m'obligent à penser différemment. Je crois qu'il est bien évident que la technique conditionne l’invention. Je dis l'invention car je nie à l'artiste le droit de créer, tout juste celui d'inventer, je crois que le mot création est réservé aux Dieux qui s'en servent assez bien. En ce qui concerne la technique, je préfère le dessin parce que c'est un problème de rapidité, encore que je mette environ une semaine à faire un dessin, mais j'ai l'impression que si je peins, je suis obligé de m'astreindre à un cérémonial, à une gymnastique, enfin quelque chose qui me dérange un peu, il faut laver les pinceaux, il faut faire un certain nombre de gestes qui, j'ai l'impression, me dispersent. Lorsque je dessine je suis véritablement attablé avec moi-même.

ZOOM : Vous paraissez un peu obnubilé par les questions techniques. D'autres dessinateurs s'inquiètent plutôt de leur possibilité de renouvellement d'inspiration. Cette question n'a pas l'air de vous toucher.
GACHET : Je ne me suis jamais véritablement posé cette question. Pour moi, il y a toujours ou jamais un problème. L'inspiration est une chose qui ne s'invente pas. On l'a ou on ne l'a pas.

 


gerard gachet interview zoom

ZOOM : Il semble que certaines personnes se préoccupent pour vous de votre inspiration et d'une manière bien particulière. Je parle des incidents lors de votre dernière exposition.
GACHET : Ce n'était pas mon exposition. Il y avait Bertrand, Rimbault, Roldan, Maury et moi (ce sont des gens de la galerie Trois plus Trois). Il y a eu un acte de vandalisme. J'ai eu quatre dessins lacérés, Bertrand en a eu un et Rimbault un également. C'était entre les fêtes de Noël et du Jour de l'An. Pendant la nuit, on a pénétré dans la galerie par effraction. Les dessins ont été sortis des sous-verres et on les a déchirés avec un tournevis. Pourquoi ? On ne le sait pas. II peut y avoir les puritains qui auraient pu être concernés par cette exposition mais ils avaient tout loisir d'utiliser les moyens légaux et moraux pour justifier leur mécontentement, or il n'y a rien eu d'officiel, ni pétition, ni scandale de ce genre. Ou bien j'ai pu être visé personnellement, peut-être la galerie, peut-être le directeur de la galerie. Le directeur a porté plainte et moi aussi. L'affaire suit son cours et je ne sais pas ce qui se passe. C'est quand même assez étonnant.

ZOOM : Vous ne vous connaissez pas d'ennemis ?
GACHET : Non. Il y a cette phrase marquée sur la couverture d'une anthologie Planète : Je préfère les méchants aux imbéciles, au moins, ils se reposent. Quand on ne fréquente pas précisément les méchants on ne se doute pas qu'il y a les imbéciles qui peuvent les remplacer au pied levé.

ZOOM : Vous disiez avant l'interview que dans cette exposition rien n'aurait du choquer puisqu'il s'agissait à tout prendre, d'un érotisme de bon ton. Qu'entendez-vous par érotisme de bon ton ?
GACHET : Mettons que c'était un érotisme allusif plus qu'une démonstration médicale ou antomique. Vous savez, l'érotisme c'est la porno-graphie des autres. C'est une phrase connue, on peut la retourner.

 

ZOOM : Je crois que vous avez une autre passion que le dessin, votre passion pour les reptiles.
GACHET : Oui, oui. Chez moi il y a sept reptiles, un aquarium, un singe, un chien et ma femme bien sûr. Parmi les animaux ce sont les reptiles que je préfère de très loin.

ZOOM : Pourquoi ?
GACHET : Ce sont des animaux avec lesquels on ne peut pas faire d'anthropomorphisme et c'est une grande chance que nous ayons de pouvoir nous dispenser de ce prétexte désagréable du transfert, de projection, sur un animal dit domestique et que nous chargeons de tous nos petits problèmes et qui ne sert en fait que d'exutoire à nos insatisfactions. Avec mes reptiles, on ne peut pas tricher et puis ce sont des animaux absolument magnifiques. J'ai une très grande tendresse pour les reptiles.

 ZOOM : Vous croyez qu'ils vous la rendent ?
GACHET : Quelquefois, mais justement je n'attends pas d'eux qu'ils me la rendent. Ce sont des animaux absolument autonomes qui n'ont pas besoin de moi et cela est très important. J'essaie de vivre en bonne compagnie avec eux. S'ils me mordent c'est uniquement de ma faute. C'est une possibilité d'être en face de la nature, non pas telle que nous la voulons mais telle qu'elle existe avec ses impératifs et ses lois. On devrait considérer la fréquentation des reptiles comme l’un des beaux arts. J'ai une petite couleuvre ä collier, j'ai une couleuvre des Indes, un python, une couleuvre de Montpellier, une vipère, un cobra, un fouette-queue.

interview zoom 1970

ZOOM : Ça vous laisse tout de même le temps de préparer une exposition pour Paris.
GACHET : Oui mais je ne veux pas exposer dans n'importe quelle galerie. Je crois qu'il est horrible d'exposer dans une galerie de quinzième ordre à Paris qui n'intéresse personne et qui vivote misérablement par l'argent que les peintres y laissent. C'est une véritable escroquerie. Je me fiche éperdument d'exposer à Paris. Ce n'est pas un problème. Je ne me sentirai pas grandi pour avoir exposé à Paris. Je connais des garçons, sous prétexte qu'ils ont exposé dans une galerie minable à New-York qui font des ronds de jambe. Il y a une nuance entre le travail et la carrière.
Je pense à certains peintres arrivés et qui ne méritent pas du tout les louanges dont on les abreuve. Je pense à Buffet et à des gens comme cela qui me paraissent être des farceurs peu dignes d'être entrés en deuxième année aux Arts Décoratifs. Ce sont des gens victimes de trouvailles graphiques qu'ils utilisent absolument à toutes les sauces. Ce sont des gens qui font une carrière; bien sûr, ils ont des Rolls- Royce. Tant mieux pour eux. Ça me paraît insuffisant, encore que je ne crache pas sur leur Rolls-Royce.


ZOOM : N'y a t-il pas une certaine jalousie dans votre jugement ?

GACHET : Non, j'espère que non, je ne crois pas. Ils doivent être malheureux s'ils sont honnêtes avec eux-mêmes. Il y a parait-il des centaines de Buffet dans des caves de galeries à Paris qui ne peuvent pas être mis sur le marché parce que cela ferait tomber la cote. J'estime que c'est véritablement le gag, la farce, cette misérable cote de Paris qui prétend survivre depuis dix ans, qui n'existe plus et qui attire encore les gogos. Il n'y a plus d'Américains à Paris qui viennent acheter les tableaux comme dans le temps, il n'y a plus de pigeons américains, alors évidemment c'est beaucoup moins facile. Cette notion de cote c'est un problème d'offre et de demande d'abord. Une fois que le public aura compris cela, alors ce sera parfait et on pourra dire que le peintre qui vend est le meilleur et celui qui ne vend pas le mauvais, tout au moins le moins bon. De toute façon, notre époque n'est plus ce qu'elle était avant. Le peintre maudit, ça. n'existe plus, je veux dire ceux qui ont du talent et qui ne réussissent pas, il y a suffisamment de talent-scouts à droite et à gauche pour rechercher des talents cachés. Je ne crois plus aux peintres maudits, c'est une chose invraisemblable, il y a suffisamment de possibilités offertes à chacun.

ZOOM : Quand vous avez terminé un dessin, êtes-vous satisfait de ce que vous venez de faire ?
GACHET : Je suis satisfait lorsque je suis en train de le faire, j'éprouve un auto-hypnotisme, je suis acharné sur ce dessin, je n'ai de cesse que lorsque je l'ai terminé, mais ensuite il ne m'appartient plus. C'est une chose sortie de moi, un moment, passé et je pense au suivant, je le regarde avec une certaine tendresse, pendant par exemple une semaine et puis ensuite je pourrais le vendre au dernier des bouchers du coin. Je crois que c'est un problème assez important parce que très souvent les peintres ont une sorte de tendresse pour leurs oeuvres, alors qu'au contraire il faut savoir s'en débarrasser rapidement. Ca doit sortir de l'esprit, c'est une chose qui ne doit plus exister dans notre pensée, quelque chose de résolu, un moment que nous avons mis sur le papier. C'est comme un enfant, il faut avoir le courage de lui laisser vivre sa vie.